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Editorial Avril 2009

30 mai 2009 · 5 minutes de lecture
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Silence au firmament


Tout est calme. Tout est silence. Au firmament et sur terre. Depuis bientôt trois ans, ce village lointain de Java est plongé dans le silence. Un volcan d’argile l’a complètement enseveli et continue de l’ensevelir dans le silence, toujours! sans parler des puanteurs suffocantes qui rendent l’air irrespirable, même cet air qui n’appartient à personne, leur est interdit !
Déclenché, en toute vraisemblance suite à un forage de gaz effectué par une société multinationale, laquelle rejette la responsabilité sur des séismes survenus loin de là dans le passé... !


Comme tous ceux qui pourraient encore faire technologiquement quelque chose baissent lesbrasetceuxquidoiventles «dédommager»sontimpassiblescommedesfiguresde plomb, les victimes se sont adressées aux divinités pour implorer de l’aide, en vain. Ils sont par dizaines de milliers à quitter leur foyer, pour ne plus jamais y revenir.
Leur passé, le peu de bien qu’ils possèdent, leur vie somme toute et la moindre vie, sont fossilisés sous des millions de mètres cube de boue.
Vivants, ils le sont, mais murés dans le silence.

Le spectacle de l’immensité du désert de boue au clair de lune, sous le silence du firmament fait frémir ! Où sont donc passés les derniers fugitifs qui ont laissé la trace de leur pas....figée dans la boue ?

Personne ne sait et personne ne veut savoir. Il faut attendre que la cause de ces fissures soit clairement déterminée avant de considérer un quelconque dédommagement. Mais peuvent-ils attendre ? Décidément, les notions d’espace et de temps, les échelles de valeur ne sont pas les mêmes pour les riches, les puissants et... les pauvres si ceux-ci comptent encore !

Pas très loin de là, au fin fond de l’Himalaya, un autre village aussi perdu dans la montagne. Les habitants sont écartelés entre des mouvements terroristes. Ici, ce n’est plus seulement la violence pécuniaire entraînant une explosion de boue sortant des entrailles de la terre, mais d’autres formes de violence, celles qui sortent des entrailles de l’homme à vision destructrice. Il se trouve qu’un jeune grimpeur de l’Everest, comme il s’en trouve un certain nombre venant du monde occidental, enivré par les hautes cimes, s’y est aventuré. Après une chute vertigineuse, il fut gravement blessé . Capturé par des terroristes, il fut violemment battu et dépouillé du peu qu’il avait sur lui. Agonisant, gisant sur le rocher, il fut recueilli par des habitants de ce village suspendu si près du toit du monde ! Soigné avec dévouement par des gens qui ne possèdent presque rien pour survivre eux-mêmes, il renaquît à la vie. Reprenant peu à peu ses forces et sa mémoire, il réalisa qu’il était en train de renaître à une autre vie. Lui, venant d’un pays nanti, il découvrait pour la première fois que la pauvreté, la vraie, l’absolue, existe, et qu’il existe aussi des gens qui ne possèdent rien pour leur survie et qui sont prompts à donner ! Cela l’a bouleversé !

La nuit, dans le silence, sous le même firmament que celui qui enveloppe nos villageois indonésiens, il contemple les étoiles. Le clair de lune lui renvoie aussi la lumière des étendues de boue. Ici, nulles traces de pas des derniers fugitifs mais des traces curvilignes comme gravées à l’aide de brindilles ! Plus tard, à la lueur de l’aube, il aperçoit au loin des ombres noires accroupies sur la boue : des jeunes filles n’ayant pas droit à l’école au pays des Talibans, se regroupent pour apprendre ensemble l’écriture. Pour la première fois depuis qu’il renait à la vie, son cœur frémit. Sous le silence du firmament, une voix s’élève en lui.

Ce qu’il veut faire désormais pour combattre l’analphabétisme et sortir ces gens de leur isolement, lui a donné la force de se mettre debout malgré ses blessures !
Il a décidé de rentrer dans son pays, y travailler plus ardemment encore, partager ses projets avec ses amis qui n’ont pas connu l’expérience de sa descente aux enfers. Au bout de multiples allées et venues entre son pays et ce village himalayen devenu désormais le sien, il a érigé plus de cinquante cinq écoles pour toute la région: en effet, grâce à lui, les jeunes filles y sont admises. Comment est-ce possible? Voilà le deuxième miracle de sa vie : son histoire, son attachement à sa nouvelle famille himalayenne, son humanité authentique lui a valu la confiance des éléments les plus durs. La tolérance ne triompherait- elle à coup de cœur ?

Son projet actuel, construire une université non loin de là. Sa motivation ? Ces mêmes jeunes filles qui lui ont confié : « Vous nous avez donné la joie de la connaissance, maintenant nous voulons aller plus loin ». Lui permettront-ils, les tenants du pouvoir, une si dangereuse escalade vers la connaissance?

A l’exemple de l’âme généreuse du ressuscité de l’Himalaya on peut gagner à coup de cœur! A l’exemple vécu aussi par nos Villages d’Enfants SOS qui ont sauvé tant d’enfants orphelins depuis la 2ème guerre mondiale : ils étaient nombreux à leur tour à venir en aide à d’autres. Parmi eux, un, Helmut Kutin, a consacré sa vie à alléger la souffrance de plus de 60.000 enfants dans 300 villages dans le monde, et à leur rendre leur dignité d’homme.

Pour sortir de leur situation les enfants « figés » dans la boue, condamnés à l’ignorance, seule l’éducation de la jeunesse permettra d’aiguiser une certaine conscience de l’humanité chez les peuples nantis et de les inviter au partage avec d’autres, ceux qui marchent la tête baissée !

Alors tous ces êtres aux yeux si creux que l’on n’aperçoit plus que des trous sans lumière, pourront enfin la nuit lever leur tête au ciel pour contempler la Paix du firmament

Kim Tran Thanh Van