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Editorial Octobre 2009

08 mar. 2010 · 4 minutes de lecture
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Nimbé de fumée

Il y a tant de mégalopoles avec leurs gratte-ciel de plus en plus hauts, de plus en plus serrés les uns contre les autres jusqu’à cacher tout le ciel ! Plus jamais de soleil radieux ni de nuits étoilées ! L’on se croirait sur une autre planète alors que ces mégalopoles se trouvent juste sur l’autre rive. Et si en tant qu’habitant des pays développés, nous nous enfermons dans notre pollution « imperceptible à notre conscience », cela relève de notre entière responsabilité (celle des adultes et certainement pas celle des jeunes). La plupart sont loin de réaliser que leurs déchets, les plus toxiques, sont déversés par mégatonnes sur la côte des pays plus au sud, ceux du Tiers-Monde.


Ici, des enfants à peine âgés de dix à douze ans sont « embauchés » par leurs compatriotes, travaillant pour le compte de sociétés multinationales de recyclage de matériel électronique. Sous un soleil de plomb, ils sont figés dans d’épaisses fumées toxiques. Des paires d’yeux sans lumière émergent à peine des montagnes de carcasses d’ordinateurs, de « souris » (d’ordinateur, vous l’avez deviné), un tournevis à la main. Ils comprennent, hélas trop tôt ce qu’est le travail au rendement. Pas seulement le travail mais souvent aussi des punitions corporelles. Fonçant à corps perdu dans cet esclavage, ils ne savent pas qu’ailleurs, dans des pays plus nantis, d’autres enfants, la souris à la main eux aussi, dépensent des sommes astronomiques pour des jeux électroniques ! Eux aussi sont submergés, non pas par le travail au rendement ni par les mauvais traitements, mais par l’enivrement aux jeux, au point de se passer de sommeil. Parfois aussi ils refusent la nourriture apportée jusque sur le clavier par leurs parents. L’école ? il ne faut surtout pas leur en parler. Quelle souffrance pour ces parents réduits à l’impuissance !


J’espère qu’en ce qui concerne le Vietnam, ces maux : recyclage des ordures électroniques et jeux électroniques jusqu’à l’ivresse et au refus de nourriture ne vont pas de si tôt envahir le pays.

Et si utopie ou courage aidant, les parents des passionnés de jeux électroniques descendent avec leurs enfants de leurs gratte-ciel et se rendent dans les pays du Tiers-monde pour partager un peu leur vie. Les enfants du Vrai monde découvriront alors que tous ne sont pas égaux devant « la souris », qu’il y a des jeunes qui ne peuvent pas, comme eux, lâcher leur souris mais pour d’autres causes et qu’il y a des estomacs vides! Ou peut-être, plus attrayant car plus médiatique (à peine !) : se rendre dans les pays du Sahel. Nos jeunes découvriront alors qu’il y a des enfants qui ont de tout (et de trop) : à la fois sécheresse et déluge ! Eux-mêmes vont sesurprendre à se mettre au diapason avec leurs frères-du-monde pour repêcher le peu de vivres entraînés dans la boue. Ils découvriront qu’il y a des sans-abri : leur hutte en terre littéralement fondue en l’espace de quelques secondes.


Car notre espoir est là, dans les cœurs généreux de tous les jeunes, prompts à donner. Une passerelle entre les deux mondes, le Tiers et le Vrai, c’est à nous de la construire avant que cela ne soit trop tard !


La générosité des jeunes de la planète n’est point un rêve « virtuel ». Il suffit d’y croire et de se mettre à l’œuvre.
Et pour preuve vivante de la générosité des jeunes, les ainés de nos Villages.


Prendre l’envol pour la vie c’est un moment risqué même pour nos jeunes bien protégés par leurs parents. Doivent aussi prendre le large les ainés de nos Villages. Telles de petites embarcations fragiles qui gonflent leur voile pour quitter le rivage pour la première fois. Nous les regardons s’éloigner le cœur serré.
Pourtant il faut qu’elles prennent le large ! Certaines, au fil des ans, ont même pris sur leur embarcation, bien qu’encore fragile, d’autres jeunes encore plus fragiles car elles savent, plus que quiconque, ce qu’est un cœur meurtri par l’abandon ! C’est comme une nuit profonde sans étoiles.
Elles savent aussi, plus que personne, ce que leur a apporté un souffle d’humanité. Comme un immense firmament par une nuit étoilée qui leur ouvre le coeur.


Kim Tran Thanh Van