Bui Van Phô, 30 ans, est un ancien enfant du Village d’Enfants SOS de Hué. Il a soutenu avec succès sa thèse de doctorat dans le domaine de la nanotechnologie au Japon. Le chemin qui mène ce jeune scientifique au succès est marqué par le dévouement et l’amour d’une mère et des soeurs, semé de gouttes de sueur et pavé par l’encouragement et le soutien des professeurs de haut niveau. Tout se réunit pour maintenir et renforcer la passion de ce « pauvre » étudiant pour la recherche scientifique. </span>
Une volonté forte</span>
Il</span> y a plus de 10 ans, j’ai connu Bui Van Phô non seulement comme un sujet de mon entretien mais aussi comme quelqu’un qui était admiré par les enfants défavorisés. Voici ce qu’ils disaient partout où j’étais : Phô ne suivait pas de cours supplémentaires faute d’argent, il ne mangeait pas à sa faim, mais c'était grâce à sa soif de savoir et sa passion pour les livres qu’il devenait excellent élève. L’image que j’ai eue de Phô, lors de notre rencontre, est celle d’un garçon grand, mince et vif. Il parlait, d’une voix grave et triste, de son enfance difficile. Son père étant décédé quand il avait 10 ans, sa mère a dû porter tout le fardeau familial sur ses épaules. De marché en marché, sa mère travaillait dur afin de subvenir tant bien que mal aux besoins de la famille, dans le seul espoir que ses enfants deviendraient de bons adultes, responsables et consciencieux. Marqué par les conditions de travail si dures de sa mère, par le sacrifice de ses sœurs, qui devaient arrêter précocement leur scolarité pour venir en aide à leur mère, Phô a décidé de changer le sort de sa famille en s’investissant à fond dans ses études. Il espérait ainsi soulager un jour sa mère du poids financier qui pesait sur elle.</span>
Issu d’une famille très pauvre et élève de l'école d’une toute petite commune au Centre du Vietnam, Phô a réussi l’examen d’entrée au Lycée Quoc Hoc Hue, spécialisé en mathématiques. Ayant eu connaissance de son cas, le Professeur Tran Thanh Van, fondateur de l’association AEVN, a décidé de lui faire intégrer le Centre de Protection d’Enfance de Thuy Xuan, actuel Village d’Enfants SOS de Hué. Cette prise en charge a permis d’alléger progressivement le fardeau de sa mère. Grâce à la bourse « Rencontres du Vietnam – Fondation Vallet » réservée aux élèves des classes spécialisées et ayant de bon résultats scolaires, Phô a pu s’acheter des livres afin d’approfondir ses connaissances. Grâce à un emploi du temps bien organisé, il a réussi son concours d’entrée à l’Université en toute sérénité, sans avoir besoin d’entamer une course contre le temps pour suivre des cours supplémentaires comme la plupart des élèves de sa génération. </span>
Le jour où elle a reçu la nouvelle que son fils était reçu à l’école Polytehnique de Ho Chi Minh Ville avec une note de 28/30, sa mère n’a pas pu s’empêcher de pleurer. L’effort de son fils a été récompensé, l’espoir de voir sortir la famille de la misère s’apprêtait à être concrétisé. Cependant, Phô a voulu faire des études de physique à l’Universite des Sciences naturelles de l’Université nationale de Hanoi. Ses souhaits ont été soutenus par le Professeur Tran Thanh Van, qui a écrit une lettre de recommandation au Ministre de l’Education afin que sa demande de transfert d’école fût acceptée. A Hanoi, grâce aux bourses qu’il recevait régulièrement de l’Université, des Professeurs Tran Thanh Van et Odon Vallet, Phô a pu étudier sans devoir travailler à côté pour subvenir à ses besoins.</span>
Des professeurs dévoués</span>
De temps en temps, les nouvelles de Phô que nous apprenions par les médias nous rendaient vraiment heureux : Bui Van Phô, l’élève pauvre de l’ancienne ville impériale, est un des excellents étudiants de la classe Master d’Excellence de Physique K50 à l’Université des Sciences naturelles de l’Université nationale de Hanoi. Phô a avoué que sa vision de la vie, sa façon d’être ont été grandement influencées par sa mère, par les professeurs, ceux qui l’ont parrainé et formé. A leurs strictes exigences, qui l’obligent à être responsable de ses actes, à planifier ses projets, à être discipliné et à progresser sans cesse, Phô doit sa réussite scolaire. Phô a été diplômé avec mention Excellente grâce à ses efforts personnels sans faille mais aussi grâce au dévouement de ses professeurs.</span>
Après avoir été diplômé de l’Université, Phô a consacré un an pour améliorer son anglais. Parallèlement, les professeurs responsables du département de Physique à l’Université des Sciences naturelles de l’Université nationale de Hanoi, continuaient à créer des opportunités pour qu’il puisse être en contact avec la recherche scientifique autant que possible. Ils l’ont également aidé dans ses démarches d’inscription à l’Université d’Osaka dans le cadre d’un programme d’échanges internationaux. Bui Van Phô a été désigné, parmi d’autres excellents étudiants, pour recevoir la bourse du gouvernement japonais. Cette bourse lui a permis de subvenir à ses besoins pendant ses 6 années d’études doctorales portant sur la physique quantique (Quantum Engineering Design Course) au Japon.</span>
La langue constitue le plus grand obstacle pour la plupart des étudiants à l’étranger. Communiquer avec les amis étrangers, être souvent en contact avec les professeurs, c’était pour Phô le moyen le plus efficace pour apprendre une langue étrangère. Au pays du Soleil Levant, Phô étudiait avec assiduité sous la direction du Professeur Kazuto Yamauchi, qui le guidait avec dévouement. Le Professeur Yamauchi lui a créé des conditions d’études les plus favorables possibles, le motivant à poursuivre ses efforts. Phô a pu assister à plusieurs conférences et colloques internationaux, y compris en France, où il présentait ses résultats de recherche. Il est également revenu au Vietnam pour participer à des conférences internationales (organisées par le Professeur Tran Thanh Van, au Centre International de Sciences et d’Education Interdisciplinaires à Quy Nhon) portant sur la science des matériaux, la physique numérique et la nanotechnologie, afin d’élargir l’horizon de ses connaissances (lors de ces occasions, il a rencontré des lauréats de prix Nobel, qui l’ont vivement félicité).</span>
Bui Van Phô a soutenu avec succès sa thèse de doctorat ayant comme thème : « Etude sur le mécanisme du traitement de surface des matériaux SiC dans des solutions d’acide sulfurique ou dans l’eau en présence du catalyseur, le platine » à l’Université d’Osaka. Phô nous a confié : « J’ai reçu des aides précieuses et sans conditions de la part de M. et Mme Tran Thanh Van, de l’association AEVN et des professeurs vietnamiens et étrangers. Sans cette générosité, les élèves pauvres comme moi ne pourraient pas avoir d’opportunité pour aller loin sur le chemin de la Science ».
Phô et le Professeur Kazuto Yamauchi après sa soutenance de thèse
Grandi dans la pauvreté, plus que quiconque, Phô comprend à quel point l’aide est précieuse, surtout pour ceux qui en ont besoin. Il est revenu au Village d’Enfants SOS de Hué. Sous ce toit familial, il avait pu avoir des conditions lui permettant d’aller loin sur la voie scientifique. C’était aussi là qu’il avait été pris en charge, aimé par les oncles et les mères pendant un certain temps. Il s’est revu enfant, à travers les petits aux yeux grands et ronds, rassemblés autour de la table du dîner. Et, il a pris la décision de parrainer, d’accompagner ces enfants sur leur chemin de devenir adulte, ce à quoi se sont voués sa mère (SOS) et ses professeurs, ceux qui avait toujours été à ses côtés dans des situations difficiles. </span>
Quand je l’ai questionné sur son futur projet, Phô a répondu qu’il poursuivrait ses recherches dans le même laboratoire. Cela lui permettrait de faire des recherches sur les thèmes qu’il portait à cœur. Où il s’installerait définitivement, la question n'était pas encore d’actualité pour lui... </span>
Phô a été président de l’association des étudiants et des jeunes vietnamiens à Osaka et vice-président de VYSA Japan dans l’objectif d’aider les étudiants vietnamiens fraîchement arrivés au Japon. </span>
Phô a également participé aux activités de “Betoaji”, une organisation à but non lucratif, pour promovoir la culture et la cuisine du Vietnam au Japon. L’argent collecté à travers ces activités est utilisé pour aider des enfants des minorités ethniques vivant dans des régions montagneuses, en situation difficile mais ayant une volonté farouche de surmonter des difficultés pour apprendre.</span>
Extrait de l’article « Cậu học trò mồ côi và hành trình trở thành tiến sĩ » de Hue Thu publié dans l’édition spéciale Têt 2017 du Journal Thừa Thiên Huế </span>
Mise à jour et traduction par Thao
Phô (1er de dr. à g.) remet des bourses aux enfants du Centre de Thuy Xuan, actuel Village d’Enfants SOS de Hué (2015)
Phô et son épouse Yen Minh, (1er et 2ème de dr. à g.) et des enfants du Village SOS de Hué lors de leur récente visite au Village en 2016