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Ma vie au Centre de Thuy Xuan

20 déc. 2015 · 5 minutes de lecture
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Ma vie au Centre de Thuy Xuan (témoignage de Phô)

Durant ses études doctorales, Phô a animé un groupe d’étudiants pour collecter des fonds pour donner des bourses d’étude aux jeunes orphelins du Centre de Thuy Xuan. L’été 2014, il a pu rapporter des bourses octroyées par l’association des jeunes étudiants vietnamiens au Japon, d’un million de Dong chacune. Cinq bourses ont été remises par le «grand frère Phô» lui-même à ses «frères» du Centre ayant connu la même histoire de vie que lui. Petits cristaux font vite boules de neige !

Issu d’une famille pauvre en banlieue de la ville de Hué, j’ai perdu mon père quand j’étais encore à l’école primaire. Ma mère seule prenait en charge la famille. Elle m’a donné le goût de l’effort et le désir d’apprendre. Les difficultés financières auxquelles nous avions dû quotidiennement faire face m’avaient conduit à cette résolution ferme : faire des études et réussir pour changer le cours de mon destin.
J’ai été admis après concours dans une classe d’excellence en mathématiques au Lycée national « Quoc Hoc » à Hué. Ma mère m’encourageait et travaillait dur pour que je puisse poursuivre mes études. Par temps difficiles, j’ai cru pourtant devoir les abandonner lorsqu’une chance m’est arrivée : le centre de Thuy Xuan, actuel village SOS Hué, a accepté de m’accueillir. Pris en charge par le Centre, j’ai pu continuer mes études au Lycée « Quoc Hoc ». Je suis vraiment très reconnaissant envers l’Association AEVN  pour leur contribution importante à l’aide à l’enfance. Grâce à ses aides, j’ai pu continuer mes études.

La vie que j’ai vécue au Centre a été pour moi d’une grande signification. Le Centre a été réellement ma deuxième famille. J’avais une mère (Mère Bê) qui prenait soin de moi. Les autres mères, la direction, le personnel, tous nous entouraient de leur affection. Et c’était là où j’ai pu concrétiser mon rêve de réussite scolaire. Comme moi, plusieurs enfants du Centre avaient vécu des situations de famille difficiles et surtout comme moi, ils avaient la ferme volonté de s’investir dans les études afin de changer leur destin et pouvoir prendre en main leur avenir.
Quotidiennement, moi et mes frères, à tour de rôle, aidaient notre mère dans les tâches culinaires, ménagères ou dans le jardinage. Très souvent, nous partagions ensemble des moments d’échange chaleureux et nous nous entraidions dans nos études. Nous, les aînés, avons constitué pour tous une collection d’ouvrages pour servir de documents, l’internet étant encore limité.

Pendant plusieurs étés de suite, des amis de AEVN, venant de Centre Européen de Recherches Nucléaires (CERN à Genève), séjournaient des semaines avec nous pour «réparer» meubles, portes et rafraîchir la peinture de plusieurs maisons. Avec eux, nous avons appris à «bricoler». Isabelle Veyre, une volontaire de la DCC a été pendant plus de deux ans notre «sœur aînée» dans nos choix d’orientation, partageant nos joies et nos peines. Satya et Donald venus au Centre avec leur fils, nous ont offert deux ordinateurs, installé une salle de travail et nous ont initiés à leur utilisation pour nos études. Pour nos soirées gourmandes, Satya nous a offert un four «portable» pour faire la pâtisserie et initié nos mères à la pâtisserie française. Nous profitions du temps libre pour nous amuser ensemble. Pendant tout ce temps au Centre, j’ai beaucoup apprécié ces conditions de vie et d’étude. Ce fut une période où je me sentais vraiment joyeux et heureux.

Après mon baccalauréat, suivant les conseils du Professeur Trân Thanh Vân, je me suis inscrit en maîtrise d’excellence de Physique à l’Université des Sciences Naturelles, relevant de l’Université nationale de Hanoi. Quelle chance pour moi de pouvoir y faire mes études et ce grâce à l’aide financière des Rencontres du Vietnam et après, de la bourse de la Fondation Vallet qui m’ont permis de subvenir à mes besoins pendant les quatre années d’étude à Hanoi.

Après avoir été diplômé de l’Université des Sciences Naturelles, j’ai pu suivre des cours d’anglais pendant un an à Ho Chi Minh ville en vue d’obtenir une bourse d’études de 3ème cycle à l’étranger. Satya Calas, professeur agrégé en anglais m’a toujours aidé de main de maître, et cela de France même. En investissant les efforts et grâce à l’aide de AEVN, j’ai obtenu de la part du gouvernement japonais une bourse de doctorat. Durant mes études doctorales à Osaka, j’ai eu l’honneur d’être sélectionné par mon université pour participer à des congrès internationaux et en 2013 aux IXe Rencontres du Vietnam en Nano-physique organisées par le Professeur Trân Thanh Vân à Quy Nhon. J’y ai fait la connaissance des lauréats de Prix Nobel qui m’ont beaucoup encouragé dans mes études. Après la soutenance de ma thèse en nano-physique prévue en septembre 2016, je ferai un stage postdoctoral avant de rentrer au Vietnam. 

Grâce à l’aide importante de l’Association AEVN, celle des Rencontres du Viet Nam et à l’appui moral et financier du Professeur Odon Vallet, nous, les jeunes du Centre, chacun de notre côté, avons pu mener notre propre vie, avoir notre propre métier. Ne citons ici que quelques exemples : Anh Dao, professeur à l’Université de Hué, Kim Anh, médecin nutritionniste, Hieu, ingénieur, Lâm, enseignant, Phap, architecte, Lan Anh, cadre conseils en droit...
Le plus précieux cadeau que nous avons tous reçu est que, même après avoir quitté le Centre, nous continuons à recevoir très régulièrement les conseils des Parrains, Marraines et Amis de AEVN et de Mr et Mme Tran  Thanh Van comme s’ils étaient nos grand-parents. Notre famille s’agrandit…

Nous gardons toujours au fond de notre cœur la gratitude pour les aides et soutiens que nous avons reçus. Cette gratitude nous accompagne et nous incite à faire plus d’efforts afin d’aller plus loin sur le chemin de la réussite.

Actuellement, mes amis et moi, nous travaillons sur le développement d’un projet de collecte de fonds afin d’apporter l’aide aux enfants, studieux et pauvres, au Vietnam, de la même façon dont nous avons été aidés.

Phô

Phô (Traduction de Thao)